07/12/2014

Réparer les vivants, Maylis de Kerangal

 
Réparer les vivants est le roman d'une transplantation cardiaque.

Le sujet est lourd, d'autant que la personne qui va mourir et qui potentiellement pourrait donner son coeur a à peine 20 ans et est morte dans un accident de voiture. 

C'est pour les parents le début d'un cataclysme, que Maylis de Kerangal décrit fort bien lorsqu'elle fait dire à la mère de Simon : 
"...elle croise son regard dans le miroir ... saisie alors de ne pas se reconnaître, comme si sa défiguration avait commencé,comme si elle était déjà une autre femme ; un pan de sa vie, un pan massif, encore chaud, compact, se détache du présent pour chavirer dans un temps révolu, chuter et disparaître."


Je n'ai pas pu lire ce livre jusqu'au bout, tout d'abord parce que je suis une mère et que cette lecture était trop douloureuse parce que j'y projetais ma propre vie et l'éventualité de la mort de ma fille ; de plus, je n'ai pas aimé l'écriture trop rapide à mon goût, avec des phrases trop longues.


Avec le recul, je pense que ces phrases rapides traduisent peut-être la course en avant de cette femme, le côté "à bout de souffle" de cette mère qui voudrait revenir en arrière, ne jamais avoir reçu ce coup de fil des urgences, ainsi que la course contre la montre de toute une équipe médicale pour réussir un transfert d'organes.
 
De plus, pour l'avoir abordé souvent en famille, le thème du don d'organes reste très complexe, très personnel et fait écho à nos propres "croyances" qui pensent que le coeur serait le réceptacle de nos sentiments, de notre mémoire, voire de notre âme...  

Peut-on donner son coeur pour sauver une autre personne, sans perdre son âme ? 
Avons-nous besoin de notre âme alors que nous sommes morts ?

C'est la grande question du mystère de la mort : Y a-t-il quelque chose après la mort ? Pourrons-nous retrouver nos disparus ? A chacun d'y apporter sa solution, selon ses convictions religieuses et ses croyances.


C'est donc une demie critique que je propose, n'ayant pas eu les tripes d'aller jusqu'au bout.

02/12/2014

Impératrice de Chine, Pearl Buck


En 1852, soixante jeunes filles des plus prestigieuses familles mandchoues sont convoquées au palais de l'empereur de Chine, afin qu'il choisisse ses futures épouses. 
Seule sera impératrice celle qui lui aura donné un fils. Les autres resteront des concubines, plus ou moins délaissées.

Yehonala est encore jeune. 
Très belle, elle est ambitieuse et intelligente et laisse le temps faire son oeuvre pour devenir la favorite de l'Empereur qu'elle n'aimera jamais. Elle lui donne un fils et devient donc Impératrice de Chine, sous le nom de Tzu-Hsi.

A la mort de l'Empereur encore jeune, Tzu-Hsi devient régente de son jeune fils. A ce titre, elle détient intégralement tous pouvoirs, gérant les dossiers politiques avec beaucoup de clairvoyance, d'intelligence et d'intérêt, mais pas sans orgueil parfois.
Cet orgueil, qui lui permet d'être forte en toutes circonstances, lui donne également une dureté qui la dessert.

Alors que j'avais lu "La Mère", qui décrit le quotidien miséreux d'une campagnarde et de ses enfants, à travers le roman "Impératrice de Chine", Pearl Buck recrée pour nous la Cité interdite dans son faste et sa beauté.
C'est un régal de détails, de luxe, de raffinement ; que ce soit relatif à l'aménagement des palais, aux bijoux de l'Impératrice ou pour tout ce qui concerne les jardins du palais, remplis de fleurs et de parfums.

Un beau dépaysement

27/11/2014

L'orphelin d'Anyang, Wang Chao


De nos jours, dans la ville d'Anyang, en Chine, une jeune prostituée abandonne son enfant ; c'est un ouvrier de 40 ans qui vient d'être licencié, qui va décider prendre l'enfant en charge, d'autant que la mère lui propose de le payer 200 yuans par mois et qu'il est sans le sou.

Dans ce film, on nous donne à voir une Chine miséreuse, avec des petits commerces installés sur le trottoir, des vélos par centaine, quelques voitures et des femmes prostitués, exploitées par un gang mafieux.

On est bien loin de l'image de certains chinois de la classe moyenne qui voyagent en Europe et des femmes qui se font refaire le visage...

Cette jeune femme n'a pas le choix que d'abandonner son bébé de quelques mois, l'ouvrier n'a pas le choix que de garder cet enfant, pour gagner sa vie...

Deux personnages que tout oppose ; lui est un homme rustre qui vit chichement, elle s'est habituée à l'argent "facile" et est futile. Néanmoins, ils partagent la même détresse liée à leurs difficultés face à la vie.

Un beau film !

11/11/2014

Gone girl, David Fincher


Alors qu'ils sont sur le point de fêter leur cinquième anniversaire de mariage, Nick signale la disparition de sa femme Amy. La police arrive sur les lieux : pas d'effraction, du sang dans la cuisine, des traces de lutte dans le salon.

Passé 48 heures de recherches par tout le quartier et les médias, le mari qui semblait idéal va passer de victime à suspect potentiel. La police remue leur vie, décortique leurs sentiments.
Le couple modèle, jeune, beau, cultivé et riche vole en éclats. Nick aurait-il tué sa femme ?

Ce film m'a surprise ; j'avais non seulement l'envie, mais aussi la certitude de l'innocence de cet homme et d'un autre côté, j'étais particulièrement décontenancée de voir des preuves accablantes s'accumuler contre lui ; l'enquête piétine... jusqu'à l'issue, à laquelle je ne m'attendais pas du tout. 

Ce film nous raconte la vie d'un couple parfait, avec une rencontre coup de foudre, un mariage huppé, une très belle maison, une complicité à tous égards et ... des mensonges, des mystères, comme quoi, tout  peut basculer dans la vie.

La chute est digne d'un film d'Hitchcock... Un très bon film !

22/09/2014

Consonances, 24ème rencontres internationales avec la musique de chambre


Ces nouvelles rencontres avec la musique de chambre sont placées cette année sous le signe de la Guerre de 1914 : "Comme en 14".

Alors que les bottes du nazisme commençaient à se faire entendre un peu partout en Europe, les musiciens, mais aussi les artistes continuaient d'exercer leur art, peut-être pour exorciser leurs propres peurs et la prescience de ce qui devait arriver dans les mois à venir ?

La plupart des musiciens qui sont joués cette année à Consonances ont pour beaucoup pris part à cette guerre, côté français comme côté allemand ;  certains en première ligne,  comme Arnold SCHOENBERG, qui nous enchantera avec sa "Nuit transfigurée"... Ils étaient tous très jeunes, très patriotes et convaincus que cette guerre ne durerait que quelques semaines...

La musique peut-elle faire oublier les horreurs de la guerre ? Sans doute pas. 

Au moins a-t-elle à mes yeux (voire à mes oreilles) l'heur de nous laisser envahir par la beauté, par l'harmonie des instruments, au point non pas d'oublier la guerre, mais de se permettre un entracte, une pause dans cette immense boucherie, ce carnage, que fut la première guerre mondiale qui sera suivie d'une seconde, mais qui aura à elle seule montré la capacité des hommes à inventer toujours plus pour détruire l'autre. "L'homme est un loup pour l'homme".

Décidément, les musiciens ou les poètes, outre le fait qu'ils nous permettent d'accéder au beau, ont bien  le don de nous rendre la vie plus douce, même si ce n'est que temporaire  ! Merci à eux.

17/09/2014

20 ans avec mon chat, Mayumi Inaba


En 1977, l'auteure trouve un chaton abandonné et en fâcheuse posture. Commence alors une découverte mutuelle entre la petite Mî et sa maîtresse. Des moments de jeux, de câlins, de regards complices et tendres, mais aussi des coups de griffes et des morsures lorsque Mî et sa maîtresse doivent déménager, quitter leur petite maison avec jardin et changer leurs habitudes. Une petite chatte blanche qui, jour après jour, pousse l'auteure à se dépasser, à s'assumer.

C'est grâce à cette petite chatte que Mayumi Inaba va "s'autoriser" à écrire, à vivre seule une nouvelle vie bohème entourée d'artistes.

C'est aussi à travers elle que nous découvrons une ville en pleine mutation ; Tokyo !
Un joli voyage, rempli de poésie et une ode à nos félins miniatures.

05/09/2014

Les Hauts de Hurlevent, Emily Brontë



Emily Brontë n'a que 26 ans lorsqu'elle publie Les Hauts de Hurlevent. Il est difficile d'imaginer que c'est une "jeune fille" vivant retirée du monde dans un presbytère qui ait pu décrire avec autant de force la passion amoureuse, la soif de vengeance et les drames qui peuvent en découler.

Il semble évident qu'elle s'est largement inspirée du paysage familier qu'elle entrevoit tous les jours (la lande anglaise et les champs de bruyère) de la fenêtre de sa chambre pour bâtir son roman. Elle a sous les yeux tous les matériaux nécessaires à la "construction" de Hurlevent, la demeure de Catherine Earnshaw, bouillonnante "Cathy".

Les sentiments exacerbés qui animent les personnages de Cathy et du ténébreux Heathcliff lui auraient-ils été inspirés par les vents et les pluies de la lande anglaise qui l'entourent ?

Avec Les Hauts de Hurlevent, tous les ingrédients du romantisme et du roman gothique sont au rendez-vous. Un paysage largement tourmenté par les tempêtes de vent et de neige, des personnages déchirés par la passion amoureuse et/ou par la haine ; des personnages haut en couleur, qui ne font pas dans la demi-mesure, quitte à en payer le prix fort.
Pour ma part -et ce depuis plus de 30 ans- ce roman est mon "number one" de la littérature romantique anglaise qui, bien qu'écrit au XIXe siècle, n'en évoque pas moins des sentiments universels et intemporels.

22/08/2014

Billy, Albert French



Alors que les Etats Unis d'Amérique sont aujourd'hui gouvernés par un homme "de couleur", il est difficile de lire qu'en 1937, dans l'état du Mississipi, un gosse de 10 ans est tout simplement réduit à l'état de "nègre".

Une bagarre entre deux jeunes noirs et des jeunes filles blanches qui se termine mal ; un coup de couteau donné par 
Billy parce qu'il a peur, la jeune fille blanche meurt. S'ensuit alors une escalade de la violence ; les Blancs du patelin veulent la peau de ce "nègre". Battue dans la nuit, fouille avec des chiens et les Blancs rentrent victorieux avec une belle prise, un pauvre gosse de 10 ans qui tremble, appelle sa maman et ne comprend pas ce qu'il a fait.

Une écriture âpre pour décrire la haine qui persiste entre ces deux communautés ; une écriture simple et rugueuse pour exprimer le ressenti de deux races, dans un état américain pauvre, où la cueillette de coton est encore le seul moyen de survivre, entre l'église et le bar du coin.

Un livre qui décrit également les sentiments qui lient une mère à son fils, de façon viscérale. Un livre émouvant et qui donne à penser sur le racisme et les changements de mentalité de notre société.

14/08/2014

Avenue des Géants, Marc Dugain


Avec ce roman, Marc Dugain nous fait vivre dans la tête de Al Kenner, un géant de plus de 2 mètres au QI égal à celui d'Einstein.
A 15 ans, Al tue ses grands-parents et se retrouve enfermé dans un hôpital psychiatrique. A sa sortie, il semble avoir changé et l'on se plait à penser que ses démons sont loin derrière lui, même si son manque d'empathie reste bien réel. Des péripéties l'entraînent à grande vitesse sur les routes des Etats Unis, à une époque où la jeunesse se cherche, entre la fumée des joints et les relents macabres de la guerre du Vietnam.

Un roman-thriller, digne d'un James Ellroy... et où l'on n'est pas au bout de nos surprises.
Avec beaucoup de maîtrise, l'auteur joue avec nos sensations, nos peurs et nous balade au gré de ses envies, jusqu'à la fin qui nous laisse pantelants, sans voix.
Du grand art !

13/08/2014

L'amant, Marguerite Duras



Trente cinq ans après cette rencontre qui devra bouleverser la vie de M. Duras au-delà de ce qu'elle aurait sans doute elle-même imaginé, "L'amant" nous replonge dans ses souvenirs. Son enfance pauvre en Indochine, cette mère aimée et haïe, le petit frère qui ne survivra pas et ce frère aîné "tueur", qui la roue de coups...
Et puis cette sensualité, comme une évidence, cette recherche éperdue du plaisir interdit, cette toute jeune fille presqu'encore une enfant qui se donne chaque nuit à ce Chinois, dans les bas quartiers de Cholong, cachée dans sa garçonnière, au milieu d'une foule laborieuse.
Une écriture rythmée, des mots jetés pêle-mêle, parfois "en vrac" ; une écriture très loin de celle d'Un barrage contre le pacifique, plus méthodique. 

On ressent bien qu'il ne s'agit plus d'écrire un roman à proprement parler, mais plutôt de faire revivre des souvenirs avant qu'il ne soit trop tard, de laisser une trace, de dire enfin la vérité sur cet amant, sur ce qui a été un bouleversement dans sa vie. A lire et à relire...